Il suffit de prononcer le mot pour que reviennent les clichés : banlieue = violence. Dans l’affaire Théo, ce jeune de 22 ans gravement blessé lors d’un brutal contrôle d’identité à Aulnay-sous-Bois, le 2 février, il faut décrire et expliquer pour évaluer les choses et éviter les amalgames. (EPA/MaxPPP)
Première réflexion : les intérêts électoraux jettent de l’huile sur le feu et tendent à faire croire que la France des banlieues est à feu et à sang. Ce n’est pas la première fois, hélas, que s’y déroulent des événements dramatiques : 1971 (Vaulx-en-Velin), 1981 (Les Minguettes), 2005 (La Courneuve), 2007, 2010… Droite et gauche n’ont pas à sa jalouser !
Se souvient-on qu’en 2005, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, avait décrété l’état d’urgence ? On avait dénombré, en trois semaines, près de 10 000 véhicules incendiés, près de 3 000 interpellations et 56 policiers blessés.
Deuxième réflexion : les événements du 2 février ne sont pas partis d’habitants exaspérés, mais de trois policiers dont le comportement, s’il est avéré, est inqualifiable.
Après la visite nécessaire de François Hollande au chevet de Théo, toujours hospitalisé, il importe que la justice soit aussi prompte à réagir à l’égard de policiers délinquants qu’elle l’est à l’égard de… délinquants. La relation entre policiers et population est au cœur de cette affaire. L’agression de Théo déchire en quelques instants le fragile et patient tissage de lien dans les banlieues.
Troisième réflexion : la solidarité autour de Théo et de sa famille s’est exprimée dans un pacifisme et une dignité remarquables.
La violence n’est pas venue d’habitants qui auraient eu, eux, une raison majeure d’exprimer leur colère ; elle est venue de quelques dizaines de casseurs, souvent venus de l’extérieur d’Aulnay. Il ne faut pas tout mélanger.
A présent que le mal est fait, quelles sont les réponses ?
D’abord, éviter d’en rajouter, de nourrir par calcul et pour la force de l’image l’idée qu’une partie du pays s’enflamme. Ensuite, faire en sorte que l’enquête soit rapide et transparente. Enfin, il serait assez simple, pour responsabiliser tout le monde, policiers et délinquants, de généraliser les caméras portatives qui témoignent de la façon dont chacun se comporte.
A plus long terme, il faut reprendre le travail sur les banlieues. La question est à la fois sociale, urbaine, sécuritaire.
La Seine-Saint-Denis est un département qui connaît du chômage, mais qui accueille de plus en plus d’entreprises, des grandes et des start-up. Là aussi, il faut éviter les clichés.
La politique du logement, comme Jean-Louis Borloo le fit en son temps, doit permettre à terme de réduire l’effet ghetto. L’Education nationale doit dégager les moyens financiers et humains pour combattre les inégalités territoriales.
Il faut enfin rétablir une police de proximité, dissoute par la droite, pour restaurer un minimum de confiance et faciliter la surveillance des quartiers sans qu’il soit nécessaire de contrôler la même personne dix fois par jour.
Mais il faut des années pour construire ce qu’une bavure peut détruire en un instant.