Colère française

Je vis dans un pays riche de 60 millions de pauvres. Quand on est démuni, on n’est pas en colère. On éprouve du dégoût, du désespoir, jamais vraiment de la haine ou du mépris, mais une incrédulité douloureuse à l’égard de ceux qui, impuissants, vous regardent sombrer. «Entendre la colère» de ses concitoyens, c’est bien. Dans un climat de méfiance, d’inégalités foudroyantes et de crise économique, on s’attend aussi à entendre, de tous les candidats, que cette colère est justifiée, légitime. Le dire, le reconnaître sans ambages, c’est garantir que les propositions que l’on fait répondent bien aux questions centrales de cette élection, et pas à d’autres. Le reconnaître, c’est devenir audible par tous. S’en dispenser, c’est se contenter de ne convaincre que son camp. Ce soir, à 21h00, Emmanuel Macron aura l’opportunité de le faire. Peut-être réussira-t-il à convaincre les Français que son programme est une réponse directe à cette colère légitime, et qu’il constitue le meilleur rempart contre “le système”, c’est-à-dire la machine à exclure.